Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/11

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goûter au fruit défendu s’empare de Gay-Lussac. Il pose momentanément, avec toutes les difficultés que chacun concevra, une perche entre la fenêtre de sa chambre et celle du bon curé, et armé d’un bâton, à l’extrémité duquel était fortement attachée une lame de couteau, il se place à califourchon sur le pont fragile ; parvenu au terme de son excursion aérienne, il brise un carreau, pique avec son arme les plus beaux fruits, rentre triomphant et sain et sauf dans son appartement. Cette manœuvre, qui pouvait lui coûter la vie, fut répétée plusieurs fois à de courts intervalles ; enfin, les parents de Gay-Lussac soupçonnèrent la vérité, et les deux frères furent conduits chez l’ecclésiastique pour lui faire des excuses.

La première idée de l’enfant fut de nier, mais la démonstration de sa culpabilité devint évidente ; Gay-Lussac éprouva une telle humiliation d’être surpris en flagrant délit de mensonge, qu’il résolut de ne plus jamais trahir la vérité, engagement qu’il a religieusement rempli pendant le reste de sa vie. Les personnes qui aiment à saisir dans la première enfance des hommes supérieurs des indices du caractère qu’ils montreront plus tard, me pardonneront si j’interromps un moment l’ordre des dates pour raconter une anecdote que notre confrère se rappelait avec une satisfaction bien naturelle ; il y sera aussi question de pommes.

Gay-Lussac étant venu à Paris, le directeur de la pension dans laquelle il fut placé s’aperçut un jour qu’on avait entièrement dépouillé plusieurs pommiers de son jardin. Le méfait ne pouvant, croyait-il, être attribué aux élèves, puisque pour aller de la cour au jardin il fal-