Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/501

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Sauf une raie obscure qui, régnant dans toute l’étendue de l’anneau, le partage en deux parties d’inégale largeur et d’éclats dissemblables, cet étrange pont colossal sans piles n’avait jamais offert aux regards des observateurs les plus exercés, les plus habiles, ni tache, ni protubérance propre à décider s’il était immobile ou doué d’un mouvement de rotation.

Laplace considéra qu’il serait peu probable, si l’anneau était immobile, que ses parties constituantes résistassent par leur seule adhérence à l’action attractive et continuelle de la planète. Un mouvement de rotation s’offrit à sa pensée comme le principe de conservation, et il en détermina la vitesse nécessaire ; la vitesse ainsi calculée est égale à celle qu’Herschel déduisit plus tard d’observations extrêmement délicates !

Les deux parties de l’anneau étant placées à des distances différentes de la planète, ne pouvaient manquer d’éprouver, par l’action du Soleil, des mouvements de précession différents. Les plans des deux anneaux semblaient ainsi devoir être ordinairement inclinés l’un sur l’autre, tandis que l’observation les montre sans cesse confondus. Il fallait donc qu’il existât une cause capable de neutraliser l’action solaire. Dans un Mémoire publié en février 1789, Laplace trouva que cette cause devait être l’aplatissement de Saturne produit par un mouvement de rotation rapide de cette planète, mouvement dont Herschel annonça l’existence en novembre 1789.

On remarquera comment les yeux de l’esprit peuvent suppléer, en certains cas, aux plus puissants télescopes,