Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/540

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deviner qu’Abel ferait un jour d’admirables découvertes analytiques !

Je passe à une accusation qui a, du moins en apparence, quelque chose de sérieux.

Le biographe assure que, pendant son séjour à Paris, Abel « demanda à présenter à l’Académie des sciences un Mémoire sur une classe particulière de fonctions transcendantes … et que ce ne fut qu’après bien des sollicitations que Fourier se chargea de présenter le Mémoire à l’Académie. »

Comment ! Abel n’avait pas vu, en suivant nos séances, qu’il était inutile, pour présenter un Mémoire, de réclamer l’intervention des membres ? Comment ! cette masse d’écrits de toute nature et de toute étendue, qui, chaque lundi, encombrait le bureau des secrétaires, après être venu directement de la main des auteurs, ou de celle des facteurs de la poste, dans la main des huissiers ; cette masse, disons-nous, était passée un grand nombre de fois sous les yeux de l’illustre géomètre norvégien, sans lui apprendre qu’aucune société savante du monde n’a établi avec le public des relations plus libérales, plus exemptes d’entraves que celles dont l’Académie des Sciences se fait honneur ? Comment ! Fourier, rompant avec les habitudes bienveillantes de toute sa vie, rebuta, par ses refus, un jeune homme, un jeune étranger, un jeune géomètre ? Comment ! aucun autre académicien ne se substitua spontanément au secrétaire récalcitrant, pas même le complaisant et prévenant M. Legendre ; pas même M. Hachette, qui s’était chargé de présenter Abel à tout le monde?