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VIII

RIO-JANEIRO.

Villegagnon. — Le Bâton de diamants. — Duel entre un Pauliste et un Colonel de lanciers polonais.

Rio-Janeiro peut être regardée comme une place de guerre, malgré le mauvais état des fortifications qui la protègent : car ces fortifications sont bien situées et à l’abri de tout coup de main. Dans le goulet on remarque les forts Lage et Sainte-Croix, hérissés de canons qui, par leurs feux croisés, rendent le passage extrêmement périlleux. Dès que vous avez franchi le goulet. Vous vous trouvez bord à bord avec le fort Villegagnon, qui doit le nom qu’il porte à une action héroïque d’un jeune Basque assez hardi pour avoir essayé de flétrir un grand acte de cruauté.

À la suite de quelques altercations avec les Brésiliens, équipage d’un navire de Bayonne arrivé à Rio depuis peu de jours se vit tout à coup entouré, fait prisonnier, et conduit à la petite île ou le fort est bâti aujourd’hui. Un procès s’instruisit, tous les matelots basques furent pendus, non comme Français, dit la sentence, mais comme hérétiques.

À la nouvelle de cette barbarie, Villegagnon, gentilhomme de Bayonne, s’adressa au roi de France pour en demander vengeance. Mais les rois sont assez généralement oublieux des injures et des outrages publics. Las de solliciter sans rien obtenir, Villegagnon rassemble dans sa maison un certain nombre d’amis auxquels il fait partager son indignation généreuse.

— Voulez-vous être des miens ? leur dit-il. C’est le sang de nos frères qui nous appelle au Brésil ; êtes-vous disposés ? j’ai un brick, je pars.

— Nous partons avec toi, s’écrient ses camarades.