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XX

TIMOR

Boa (suite). — Deux Rajahs. — Détails. — Maladie. — Départ.

Cependant les chevaux se faisaient attendre ; M. le gouverneur grondait et menaçait ; moi j’étais presque fâché (je le dis à voix basse) de m’être montré si curieux, et Petit, insouciant, se consolait de cette nouvelle course sous un soleil de plomb, en songeant qu’au retour il dirait quelques mots à certaine bouteille de vin que je lui avais montrée du doigt.

Enfin les chevaux nous furent amenés. Petit, plus inhabile encore que moi, se hissa dessus moins bien que sur les barres de perroquet. M. Pinto me serra la main, m’indiqua la route la plus aisée et la plus ouverte, et, nous recommandant la prudence, il me fit promettre d’être de retour pour un grand souper qu’il nous donnait le soir même.

— Ainsi donc, vous comptez qu’il y aura un retour pour moi ?

— Sans cela, vous laisserais-je partir ?

— Le boa ne fait donc pas deux repas coup sur coup ?

— L’on raille toujours loin de son ennemi. Au revoir.

— C’est donc bien bête, un boa ! dit Petit entre ses dents ; moi je dînerais toujours et je boirais encore plus souvent.

Nous allions au petit pas, comme des gens curieux de ne pas voir et honteux d’avoir essayé. Petit prit le premier la parole.

— Je crois, monsieur, que nous faisons une sottise.

— C’est possible.

— Bien lourde.