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notes scientifiques.

couché horizontalement, et dont la boule n’était recouverte que d’un millimètre de terre végétale très-fine, + 54°. Le même instrument recouvert de deux millimètres de sable de rivière ne marquait que + 46°.

Les expériences que nous venons de proposer doivent, toutes choses d’ailleurs égales, donner la mesure de la diaphanéité de l’atmosphère. Cette diaphanéité peut être appréciée d’une manière en quelque sorte inverse et non moins intéressante, par des observations de rayonnement nocturne, que nous recommanderons à l’attention de tous les navigateurs.

On sait depuis un demi-siècle qu’un thermomètre placé, par un ciel serein, sur l’herbe d’un pré, marque 6°, 7°, et même 8° centigrades de moins qu’un thermomètre tout semblable suspendu dans l’air à quelque élévation au-dessus du sol ; mais c’est depuis peu d’années qu’on a trouve l’explication de ce phénomène ; c’est depuis 1817 seulement que Wells a constaté, à l’aide d’expériences importantes et variées de mille manières, que cette inégalité de température a pour cause la faible vertu rayonnante d’un ciel serein.

Un écran placé entre des corps solides quelconques et le ciel empêche qu’ils ne se refroidissent, parce que cet écran intercepte leurs communications rayonnantes avec les régions glacées du firmament. Les nuages agissent de la même manière ; ils tiennent lieu d’écran. Mais, si nous appelons nuage toute vapeur qui intercepte quelques rayons solaires venant de haut en bas, ou quelques rayons calorifiques allant de la terre vers les espaces célestes, personne ne pourra dire que l’atmosphère en soit jamais entièrement dépouillée. Il n’y aura de différence que du plus au moins.

Eh bien, ces différences, quelque légères qu’elles soient, pourront être indiquées par les valeurs des refroidissements nocturnes des corps solides, et même avec cette particularité digne de remarque, que la diaphanéité qu’on mesure ainsi est la diaphanéité moyenne de l’ensemble du firmament, et non pas seulement celle de la région circonscrite qu’un astre serait venu occuper.

Pour faire ces expériences dans des conditions avantageuses, il faut évidemment choisir les corps qui se refroidissent le plus par le rayonnement. D’après les recherches de Wells, c’est le duvet du cygne que nous indiquerons. Un thermomètre, dont la boule devra être entourée de ce duvet, sera placé dans un lieu où l’un aperçoive à peu près tout l’horizon, sur une table de bois peint supportée par des pieds déliés. Un second thermomètre à boule nue sera suspendu dans l’air à quelque hauteur au-dessus du sol. Un écran le garantira de tout le rayonnement vers l’espace. En Angleterre, Wells a obtenu, entre les indications de deux thermomètres ainsi placés, jusqu’à des différences de 8° 3 centigrades. Il serait certainement étrange que dans les régions équinoxiales, tant vantées pour la pureté de l’atmosphère, on trouvât toujours de moindres résultats. Nous n’avons pas besoin, sans doute, de faire ressortir toute l’utilité qu’auraient ces mêmes expériences si on les répétait sur une très-haute montagne telle que le Mowna-Roa ou le Mowna-Kaah des îles Sandwich.

La température des couches atmosphériques est d’autant moindre que ces couches sont plus élevées. Il n’y a d’exception à cette règle que la nuit, par un temps serein et calme ; alors jusqu’à certaines hauteurs, on observe une progression croissante ; alors, d’après les expériences de Pictet, à qui l’on doit la découverte de cette anomalie, un thermomètre suspendu dans l’air à deux mètres du sol peut marquer toute la nuit 2° à 3° centigrades de moins qu’un thermomètre également suspendu dans l’air, mais quinze à vingt mètres plus haut.

Si l’on se rappelle que les corps solides, placés à la surface de la terre, passent, par voie de rayonnement, quand le ciel est serein, à une température notablement inférieure à celle de l’air qui les baigne, on ne doutera guère que cet air ne doive, à la longue et par voie de contact, participer à ce même refroidissement, et d’autant plus qu’il se trouve plus près de terre. Voilà, comme on voit, une explication plausible du faut curieux signalé par le physicien de Genève. Ce sera lui donner le caractère d’une