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notes scientifiques.

véritable démonstration, que de répéter l’expérience de Pictet en pleine mer, si, par un ciel serein et calme, on compare de nuit un thermomètre placé sur le pont avec un thermomètre attaché au sommet du mat. Ce n’est pas que la couche superficielle de l’Océan n’éprouve les effets du rayonnement nocturne, tout comme l’édredon, la laine, l’herbe, etc. ; mais dès que la température a diminué, cette couche se précipite, parce qu’elle est devenue spécifiquement plus dense que les couches liquides inférieures. On ne saurait donc espérer, dans ce cas, les énormes refroidissements locaux observés par Wells sur certains corps placés à la surface de la terre, ni le refroidissement anomal de l’air inférieur qui en semble être la conséquence. Tout porte donc à croire que la progression croissante de la température atmosphérique observée à terre n’existera pas en pleine mer ; que là, le thermomètre du pont et celui du mât marqueront à peu près le même degré. L’expérience, toutefois, n’en est pas moins digne d’intérêt : aux yeux du physicien prudent il y a toujours une distance immense entre le résultat d’une conjecture et celui d’une observation.

Dans nos climats, la couche terrestre qui n’éprouve ni des variations de température diurnes, ni des variations de température annuelles, se trouve située à une fort grande distance de la surface du sol. Il n’en est pas de même dans les régions équinoxiales ; là, d’après les observations de M. Boussingault, déjà il suffit de descendre un thermomètre à la simple profondeur d’un tiers de mètre, pour qu’il marque constamment le même degré, à un ou deux dixièmes près. Les voyageurs pourront donc déterminer très-exactement la température moyenne de tous les lieux où ils stationneront entre les tropiques, en plaine, comme sur les montagnes, s’ils ont la précaution de se munir d’un foret de mineur, à l’aide duquel il est facile, en peu d’instants, de pratiquer dans le sol un trou d’un tiers de mètre de profondeur.

On remarquera que l’action du foret sur les roches et même sur la terre donne lieu à un développement de chaleur, et qu’on ne saurait se dispenser d’attendre qu’il se soit entièrement dissipé, avant de commencer les expériences. Il faut aussi, pendant toute leur durée, que l’air ne puisse pas se renouveler dans le trou. Un corps mou, tel que du carton, recouvert d’une grande pierre, forme un obturateur suffisant. Le thermomètre devra être muni d’un cordon avec lequel on le retirera.

Les observations de M. Boussingault, dont nous venons de nous étayer pour recommander des forages à la faible profondeur d’un tiers de mètre comme devant conduire très-expéditivement à la détermination des températures moyennes sur toute la largeur des régions intertropicales, ont été faites dans des lieux abrités, dans des rez-de-chaussée, sous des cabanes d’Indiens, ou sous de simples hangars. Là, le sol se trouve à l’abri de l’échauffement direct produit par l’absorption de la lumière solaire, d’un rayonnement nocturne et de l’infiltration des pluies. Il faudra conséquemment se placer dans les mêmes conditions, car il n’est pas douteux qu’en plein air, dans des lieux non abrités, on ne fut forcé de descendre à plus d’un tiers de mètre de profondeur dans le sol, pour atteindre la couche douée d’une température constante.

L’observation de la température de l’eau des puits d’une médiocre profondeur donne aussi, comme tout le monde le sait, fort exactement et sans aucune difficulté la température moyenne de la surface ; nous ne devons donc pas oublier de la faire figurer au nombre de celles que l’Académie recommande.

Nous insisterons aussi d’une manière spéciale sur les températures des sources thermales. Si ces températures, comme tout porte à le croire, sont la conséquence de la profondeur d’où l’eau nous arrive, on doit trouver assurément fort naturel que les sources les plus chaudes soient le moins nombreuses. Toutefois, n’est-il pas extraordinaire qu’on n’en ait jusqu’ici observé aucune dont la température approche du terme de l’ébullition à moins de vingt degrés centigrades[1] ? Si quelques relations vagues ne nous trompent

  1. Nous ne comprenons pas ici dans la catégorie des sources thermales les Geysers d’Islande et