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XXXIV

ÎLES MARIANNES

Rotta. — Ruines. — Tinian. — Maison des Antiques.

Il paraît que le scélérat de Rottinien qui m’avait si bien fait faire le plongeon ne tarda pas à aborder et qu’il jeta l’alarme dans la colonie, puisque nous apprîmes, le lendemain matin, que les habitants, épouvantés par notre décharge générale, avaient précipitamment gagné les bois et les montagnes de l’intérieur ; mais l’alcade, homme d’une plus forte trempe que ceux sur lesquels il régnait en monarque oriental, nous envoya sans retard une pirogue plus grande que la première, et nous fit demander si nous avions des ordres à donner.

— Oui, répondis-je, à peine remis de mes souffrances : la punition du drôle qui m’a chaviré.

— Il sera pendu, ainsi que toute sa famille.

— Non ; mais qu’il vienne justifier devant moi sa conduite.

— Je me charge de vous le conduire pieds et poings liés.

— Et maintenant peux-tu nous descendre à terre ?

— Ma pirogue est au service de Votre Excellence.

— Y a-t-il péril ?

— Non ; la mer est haute et nous passerons aisément.

— Un de mes amis peut-il venir avec moi ?

— Sans doute.

— Accoste.

Je descendis. Bérard, assoupi refusa de m’accompagner ; Gaudichaud, que j’allai chercher, s’embarqua à mes côtés, et nous mîmes le cap sur la capitale de l’île.

L’arrivée de quelques Français devant Rotta répandit l’alarme dans la colonie, comme je l’ai déjà dit, et la ville se dépeupla au terrible salut de