Page:Arago - Souvenirs d’un aveugle, nouv. éd.1840, t.1.djvu/51

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avant.

rait-elle pas dotée ! tandis qu’on ne lui rapporte que de médiocres pages qui ont coûté encore bien des sueurs !

Mais, comme je sens le besoin, à mon début, de dire la vérité tout entière, j’ajoute qu’à mon retour, après un triste naufrage sur une terre déserte, qui m’a ravi mes belles collections d’armes et de costumes de tous les pays que nous venions de visiter, mes richesses zoologiques, botaniques et minéralogiques, ainsi que mes vêtements et mon linge, choses fort inutiles sans doute, puisque j’ai préféré sauver les travaux confiés à mes soins, j’ai reçu du gouvernement une gratification de… six cents francs. J’écris en toutes lettres, car la lecture des chiffres expose à trop d’erreurs. Il est vrai aussi que, dans le rapport de l’Institut sur les résultats de notre expédition toute scientifique, il fut dit (et je vous demande pardon de ce souvenir) « que jamais on n’avait rapporté de ces longues courses autant, de si fidèles et de si précieux albums. » Voilà peut-être de quoi justifier la haute valeur du chiffre ministériel.

Maintenant que j’ai franchement avoué ma honteuse soif des richesses, je veux désormais achever mes révélations. Nulle confession ne coûtera rien à ma pudeur, et, sans regarder en arrière, je me jette dans l’avenir.