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Page:Arago - Souvenirs d’un aveugle, nouv. éd.1840, t.2.djvu/48

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SOUVENIRS D’UN AVEUGLE

— Nous pensons le contraire, nous autres, et, sans l’écriture, nous ne pourrions pas raconter fidèlement à nos amis tout ce que vous nous apprenez en ce moment.

— Peut-être aurez-vous tort de le leur dire, car, si notre pays leur plaît et qu’ils veuillent y venir, il n’y aura pas assez de vivres pour eux et pour nous.

— Oh ! soyez tranquille sous ce rapport, nul n’y viendra.

— Ils sont donc bien heureux là-bas ?…

L’on comprend que si nous n’insistâmes point pour démontrer au tamor les bienfaits de l’écriture, ce fut surtout afin de ne pas lui donner trop de regrets. Et cependant voici un échantillon de leur style et de leur façon de transmettre au loin leurs pensées :

On y voit que les hiéroglyphes sont de tous les pays, qu’eux seuls peut-être ont inspiré les Phéniciens, et que l’écriture, comme la parole, est une nécessité de tous les peuples.

Les caractères de cette lettre singulière sont tracés en rouge. La figure du haut de la page était là pour envoyer des compliments ; les signes placés dans la colonne à gauche indiquaient le genre des coquillages que le Carolin envoyait à M. Martinez ; dans la colonne à droite étaient figurés les objets qu’il désirait en échange : trois gros hameçons, quatre petits, deux morceaux de fer taillés en hache et deux autres un peu longs. M. Martinez comprit, tint parole, et reçut cette même année, en témoignage de reconnaissance, un grand nombre de jolis coquillages dont il m’a fait cadeau.

Après que nous eûmes achevé de questionner notre logique nautonier, il se leva précipitamment et s’élança vers la porte pour aller recevoir sa