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RÉSIGNATION.

sait-elle. En vain, ayant de l’égoïsme à sa place, je lui parlai de l’amour de Maurice, de son bonheur à elle ; en vain, avec une sorte de cruauté, je lui rappelai son âge, l’impossibilité de retrouver une chance quelconque de changer sa destinée…. Elle pleurait en m’écoutant, mouillant de ses larmes l’ouvrage qu’elle ne voulait pas interrompre ; puis, la tête baissée sur sa poitrine, elle répétait à voix basse : « Ils en mourraient ; il faut que je travaille pour eux ! » Elle exigea de nous que sa mère ne fût pas instruite de ce qui se passait ; ceux pour lesquels elle se sacrifiait l’ignorèrent toujours : un pieux mensonge les trompa sur les causes de la rupture du mariage de leur fille. Ursule reprit sa place près de la fenêtre, recommença ses broderies et travailla sans relâche, immobile, pâle, brisée.

Hélas ! Maurice d’Erval avait une de ces âmes sages et mesurées qui assignent des limites même au dévouement, et qui ne savent pas entreprendre de sublimes folies ; son cœur, comme sa raison, admettait qu’il y eût des choses impossibles. Si le mariage d’Ursule avait eu lieu sans obstacle, peut-être eût-elle pu jusqu’à son dernier soupir croire à l’amour