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La Royne de Navarre vint trouver à la fin le Roy, duquel (ce disoit-il) elle estoit la meilleure tante, la plus désirée, la mieux aimée et mieux venue qui jamais fut en France ; la Royne mère là recucillit comme sa très chère sœur ; toute la cour, en somme, s’en resjouissoit en double façon.

Le mariage du prince de Navarre avec Madame, sœur du Roy, fut (après plusieurs menées et difficultez faites sur la forme des cérémonies) enfin conclu et arresté, et avisé que les promesses des espoux à venir seroyent receuës par le cardinal de Bourbon, hors des cérémonies de l’église romaine, pour ne point forcer la conscience du prince de Navarre, huguenot. Quelque temps après, la Royne de Navarre, fort contente, partit de la cour, qui pour lors estoit à Bloys, pour s’en aller à Paris. L’amiral aussi s’estoit retiré auparavant en sa maison de Chastillon, où il recevoit souvent lettres et messages du Roy, qui luy demandoit son conseil es affaires occurrens, ès quels il monstroit ne vouloir rien résoudre d’importance sans son avis.

La Royne de Navarre, au partir de la cour, estant venue à Paris, tomba malade, et cinq jours après mourut, en l’aage de quarante-trois à quarante-quatre ans, d’un boucon[1] qui luy fut donné à un festin où le duc d’Anjou

  1. Boucon, breuvage empoisonné. Un auteur contemporain rapporte sur la cause de la mort de la reine de Navarre le témoignage de Caillard, son médecin ; nous croyons devoir l’opposer à l’assertion de l’écrivain huguenot : Quelques personnes soutenaient devant Caillard que Jeanne avait péri par le poison ; « Messieurs, leur dit-il, vous savez tous le commandement que m’a fait plusieurs fois la Royne, ma bonne maîtresse, que, si je me trouvons près d’elle à l’heure de sa mort, que je ne fisse faute de lui faire ouvrir le cerveau, pour voir d’où lui procédoit ceste démangeaison qu’elle avoit d’ordinaire au sommet de la teste, afin que si monsieur le prince son fils et madame la princesse sa fille se sentoient de ce mal, qu’on y peust trouver le remède, en sachant l’occasion. Conformément à cet ordre, Deneux, son chi-