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Page:Archives des missions scientifiques et littéraires (IA archivesdesmissi2718fran).pdf/130

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pour cela. — Eh bien, je le tuerai ! — Que dis-tu là ? pauvre ami ; mais sa vie, à celui-là, ne réside pas dans son corps ? — Et où diable est-elle donc ? — Demain je te le ferai dire par lui-même. Tu seras dans ma manche, sous forme de fourmi, et écoute bien ce qu’il dira. Ils passent la nuit ensemble.

Tout le jour suivant le prince fut fourmi. La nuit venue, après le souper, pendant que la princesse jouait aux cartes avec le géant, selon son habitude, il se glissa dans sa manche.

— Si vous saviez le singulier rêve que j’ai fait ? dit la princesse au géant. — Et qu’avez-vous donc rêvé ? — J’ai rêvé qu’un jeune prince était monté jusqu’ici et qu’il vous avait tué et qu’ensuite il m’avait emmenée chez son père, pour m’épouser. Un sot rêve, n’est-ce pas ? — Oui certainement, un sot rêve. D’abord, moi je ne puis pas être tué. — Et pourquoi donc ? — Pourquoi ? parce que ma vie n’est dans mon corps. — Et où donc est-elle ? — Je ne l’ai jamais dit à personne, mais je vais vous le dire à vous. Ma vie, à moi, est dans un œuf ; cet œuf est dans une colombe ; cette colombe, dans un lièvre ; ce lièvre, dans un loup, et le loup est dans un coffre de fer au fond de la mer. Et qui pensez-vous maintenant qui puisse me tuer ? — Oh ! personne, assurément. Le prince, qui était sous la forme d’une fourmi dans la manche de la princesse, prêtait bien l’oreille, je vous prie de croire.

À minuit, le géant alla encore se coucher, dans sa chambre, et la princesse resta seule. Aussitôt la fourmi redevint homme. — As-tu bien entendu ? lui dit la princesse. — Oui, parfaitement. — Et tu penses encore qu’il est possible d’avoir sa vie ? — Peut-être ; je veux toujours essayer. Je vais redescendre sur la terre et je ne reviendrai qu’avec l’œuf où est sa vie.

Le prince redescend donc, sous la forme d’une fourmi, le long d’une des chaînes d’or. En touchant la terre, il redevient homme et il appelle aussitôt le roi des poissons. Celui-ci s’empresse d’accourir et sortant sa petite tête de l’eau : — Qu’y a-t-il pour votre service, prince ? — Connaissez-vous, quelque part au fond de la mer, le coffre de fer qui renferme la vie du Corps sans âme ? — Je ne le connais pas, mais quelqu’un de mes sujets saura certainement le trouver. — Et il appelle tous les poissons, chacun par son nom. Aucun n’avait vu le coffre. Enfin arrive, après tous les autres, un tout petit poisson qui en donne des nouvelles. On envoie la baleine avec lui, pour le prendre. Le coffre est apporté. On l’ouvre. Un loup énorme s’en élance aussitôt. Le loup est tué et éventré. Un lièvre en sort. Le lièvre est également pris et ouvert, et la colombe s’envole. Le prince prend aussi la colombe et en retire l’œuf. Cependant le géant était couché sur son lit, malade. À chaque animal tué, il faiblissait à vue d’œil.

Le prince remonte au château, avec l’œuf. Il pénètre dans la chambre