Page:Archives israelites 13.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

46 Ancmvns ces hommes de fer, en racontant ce que nous appellerions volon- tiers les temps héroïques du judaïsme, trouvaient, à leur insu en quelque sorte, le chemin de notre cœur et le secret de nous atten- drir par le modeste, simple et émouvant narré de leur vie d’inf`ortunes et de résignation, où le comique et I’amer se cou- doyaient si souvent: un jour- possesseurs de quelques écus, résul-_ tatd’nne vente plus fructueuse que de coutume, etle lendemain... rien, ou à peu près; de là la nécessité de racheter à crédit de nouvelles marchandises et de pousser ailleurs: véritables Diogè- nes qui avaient tout le sans façon et toute l’âpreté du philoso- phe, sans l’orgueil que Socrate prétendait voir percer à travers les trous du philosophe cynique. Plus d’un portait, pêle-mêle, dans son modeste magasin ambulant, les ustensiles principaux que réclame la cuisine traditionelle pour ne pas être un seul moment exposé à ce qu`il regardait comme une profauation. Presque tous ne regardaient que comme un passage cette vie aventurease d‘expéditions lointaines, et tous aspiraient à venir terminer leurs jours au milieu de nombreux coreligionnaires, à mourir en Terre-Sainte. ll est vrai (car nous devons tout dire en historien fidèle) que cette absence d`édacetion et de civilisation qui résultait pour le pauvre colporteur juif du genre de vie qu`il menait, réa- gissait en général sur son caractère, soit dans ses relations de famille, soit dans ses relations avec les étrangers. Cet homme, si sobre et si patient au dehors, sachant vivre de si peu, possé- dant, comme on dit vulgairement, tant de cordes à son arc, voyez- ` le au-dedans de sa famille : il ne sait pas d'ordinaire traiter ami- calement ceux qu’il aime : c’est un pere impérieux, dur même; c`est un époux despotique, il ne comprend l’obéissance raisonnée ni de la part de sa femme, véritable providence du ménage pan- vre, qui multiplie les ressources à mesure qn‘elles s’épuisent, ni de la part de ses enfants, de ses lils qui sentent déjà, avec les pas- sions naissantes de leur âge, les intincts à demi-épanouis ou même tout manifestes d’un pays et d’un âge nouveaux : les déli- catesses infinies de la paternité et du lien conjugal sont lettres closes pour le pauvre colporteur juif. Voyez-le, d’un autre côté, dans ses rapports avec les étrangers, les chrétiens, les autorités, il est insinuant, voire même rampant; il sesouvient tant de la longue abjection où ses pères ont gémi qu’il oublie que la Révolution de 89 l`en a relevé: il n‘ose aspi- rer à l'égalité de droit, il a pear de ses concitoyens d’autres cultes, il courbe son dos sous une oppression qui a déjà à demi disparu, il est étranger aux besoins du siècle, il laisse passer d’un œil indifférent et sans s’émouvoir les plus grands événe- ments que le monde social et politique voit s`a.ccamplir autour Digitized ny Google