Page:Archives israelites 1851 tome12.djvu/530

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sitôt venir une voiture et m’avait ramené avec lui â Amsterdam et confié aux soins d’un habile médecin.

Vous comprenez toute ma reconnaissance pour mon noble sauveur.

Rabbi Mosché Tauer, ainsi s’appelait cet homme, était d’une taille peu élevée, d’un corps assez mince, et à part ses cheveux roux et son œil droit qui louchait, sa figure portait l’empreiute d’ une certaine bonhomie affectueuse. Il repoussa avec un noble dé- dain les expressions de m a reconnaissance. Je n’ai fait que mon de- voir, et cela ne vaut pas la peine d’en parler. Mais pe rmettez-moi de vous demander le but de votre voyage, peut·être pourrai·je . vous être de quelque utilité. Je suis for_t répandu à Amsterdam, et je puis dire que mes amis, les gens de bien, m’aiment. autant que les hommes pervers, mes seuls ennemis, me haîssent et me persécutent.

— On vous hait, on vous persécute, vous! m’écriai-je avec indignation.

- Laissons cela; parlons de vos affaires, s’il vous plaît.

Heureux d’avoir rencontré sous un ciel étranger un si digne et bienveillant ami, je lui racontai le but de mon voyage, le fourbe le connaissait aussi bien que moi; je ne saurais vous dire com- ment il l’avait apris; mais il attendait certainement mon père ou moi, et ce n’est pas le hasard qui l’amena au fatal village lors de mon arrivée comme ce ne fut pas la voix sainte de l’humanité qui Pintéressa en ma faveur. Mais j’étais bien loin alors de conce- voir le moindre doute sur la pure té de ses sentiments, et j"ac- ceptai ses offres de service avec le plus vif empressement.

Mon coffre avait péri dans la nuit de l’incendie, et je me trou- vais dans un complet dénuement. Rabbi Mosché mit sa bourse â ma disposition en attendant que j’eusse reçu de nouveaux fonds dela maison et de nouveaux titres à l’appui de ma demande en succession. Il ne voulut pas me permettre de chercher un autre logement que chez lui.

— Rabbi Mosché, vivait, du moins à ce qu’il me semblait a.lors, dans une retraite absolue. J ’attribuais cet isolement à la rigueur de ses principes de morale et de religion; peut·être aussi qu’il fuyait le monde par suite de la perte récente qu’il avait faite d’une femme adorée et d’un fils unique. ,

La réponse de ma famille ne tarda pas; je reçus en même temps des fonds et tous les papiers nécessaires. Rabbi Mosché se mit aussitôt en campagne pour faire valoir mes droits. Je me reposai entièrement sur lui. Il s'adjoignit un avocat qu’il me donna pour un homme d’une intégrité modèle et d’une extrême habileté. Cependant, toute claire qu’elle me parut, ma cause traîna en longueur. Il se présenta une foule d’oppositions imprévues. J’eus à