Page:Ardel - Coeur de sceptique.pdf/136

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demain je veux aller lui en porter au petit cimetière de Vevey…

Ces graves paroles sont bizarres à entendre avec leur évocation d’images funèbres, tombées de ces lèvres chaudes que la vie empourpre, devant cet horizon éblouissant qui rayonne d’une beauté presque insolente.

Lilian est restée silencieuse, les mains jointes sur les roses ; et d’un ton assourdi où palpite une sorte d’angoisse douloureuse, elle demande :

— Pourquoi y a-t-il donc ainsi de pauvres créatures qui ont si petite leur part de joie ?… Comme il est triste de penser que l’on ne peut rien pour elles quand on est soi-même si heureux !

Je l’interroge, Dieu sait avec quel secret élan :

— Vous êtes heureuse ?

— Oh ! oui, fait-elle un peu bas ; et une