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de la riche plaine du Cul-de-Sac : de là cette jalousie du Cap et de tout le Nord. Et la preuve de cette assertion, c’est que si, par des considérations qui tenaient à la défense militaire de la colonie, les gouverneurs généraux devaient habiter le Cap en temps de guerre maritime, il leur était néanmoins enjoint, recommandé par l’autorité ministérielle, d’y passer au moins quatre mois dans l’année pendant la paix[1]. La jalousie du Nord était la cause de ces instructions. Elle éclata plus particulièrement à la suppression de son conseil supérieur dont les membres, riches et influens sur l’opinion, étaient obligés d’aller siéger au Port-au-Prince : disposition absurde que prit le gouvernement royal, alors que la prospérité de la colonie eût dû faire sentir, au contraire, la nécessité de la création d’un nouveau conseil supérieur aux Cayes, pour rapprocher la justice des administrés.

La jalousie du Sud contre le Nord, étendue contre l’Ouest trouva un nouvel aliment dans les plaintes des habitans du Cap à l’égard du Port-au-Prince. Chacune de ces trois provinces en était arrivée au point de considérer, qu’elles avaient pour ainsi dire des intérêts distincts, oubliant alors que Saint-Domingue, colonie française, était nécessairement soumis à cette loi, à ce principe d’unité qui a constitué la force de sa métropole. Cette fermentation des esprits était arrivée à son apogée, lorsque survinrent en France les premiers troubles révolutionnaires. La formation de l’assemblée générale de Saint-Marc, composée des planteurs les plus influens, contribua à arrêter ce mouvement désordonné des esprits. Mais ce fut aux dépens de la métropole que cette assem-

  1. Moreau de Saint-Méry, tome 1er, page 494.