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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 1.djvu/125

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« Il est des individus coupables dans cette classe, dit le colon Suire ; mais je ne me serais jamais consolé d’une abomination de cette espèce, ordonnée par un tribunal de sang, dont j’aurais eu le malheur d’être membre[1]. »

Presqu’en même temps, l’assemblée provinciale du Sud faisait comparaître par-devant elle, les hommes de couleur des Cayes. Son président leur adressa un discours hautain, qu’il termina ainsi :

« Gardez-vous de faire des demandes qui seraient incompatibles avec l’état de subordination dans lequel vous devez rester et persévérer avec les blancs, et de la déférence respectueuse que vous leur devez ; et n’ayez pas l’orgueil ni le délire de croire que vous puissiez jamais marcher l’égal de vos patrons, de vos bienfaiteurs, vos anciens maîtres, ni de participer à toutes les charges publiques et tous les droits politiques… »

De quel côté étaient l’orgueil et le délire ?

De nouvelles vexations exercées contre ceux de l’Artibonite, les portèrent à se réunir de nouveau à Plassac, dans le voisinage de la ville de Saint-Marc. On déploya des forces considérables contre ce rassemblement : la plupart des mulâtres étaient sans armes. Dispersés, ils s’enfuirent, les uns dans les bois, d’autres dans la colonie espagnole, sans avoir tenté de résister à leurs persécuteurs, qui coupèrent la tête à tous ceux qu’ils atteignirent. Et cependant, ces hommes de couleur ne s’étaient réunis à Plassac, que pour délibérer entre eux sur les outrages qu’on leur faisait subir de toutes parts, et sur l’emprisonnement récent de l’un d’eux qui avait refusé de prêter un

  1. Débats, t. 3, p. 101. Suire était membre de l’assemblée générale de Saint-Marc et colon du Sud.