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on la qualité d’hommes, puisque, dans tous les actes qui pouvaient produire des effets civils, on employait toujours la désignation de mulâtre, de quarteron libre, de nègre libre. L’édit de 1685, non abrogé, leur reconnaissait certainement la qualité de personnes, mais depuis longtemps il était foulé aux pieds.

Aussi la députation des colonies, dans l’assemblée nationale, et les colons du club Massiac, combinant leurs intrigues avec le gouvernement royal, écrivirent-ils aux colons de Saint-Domingue de se prévaloir des usages établis et des termes ambigus des deux décrets du mois de mars, pour ne pas exécuter celui du 28 à l’égard des hommes de couleur.

Le gouverneur général, qui n’avait pas reçu officiellement ces décrets[1], ou qui, probablement, les reçut du ministre avec injonction de ne pas les exécuter en faveur de cette classe, en les promulguant, n’admit pas non plus les hommes de couleur à faire partie des assemblées. Il écrivit aux marguilliers des paroisses, chargés de les convoquer : « À l’égard de l’interprétation que l’on donne à l’article 4 des instructions qui accompagnent le décret du 8 mars, elle est sans fondement ; et si les gens de couleur se présentaient à l’assemblée de paroisse, vous êtes en droit de ne les y pas recevoir. »

Comment l’assemblée coloniale, à qui l’on donnait le pouvoir de mettre à exécution la partie des décrets qui pouvait s’adapter aux convenances locales, aurait-elle admis les hommes de couleur dans les municipalités et les assemblées administratives, lorsque le gouvernement lui-même les repoussait ?

  1. Rapport de Garran sur J. Raymond, en 1795, pages 14 et 20. — Rapport de Tarbé, en 1791, page 9.