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soldat noir du régiment dont ce colonel avait le commandement, et qui avait frappé son chef[1].

Il avait commencé sa carrière militaire en sauvant la vie à un blanc ; il termina sa carrière politique en sauvant la vie à un noir.

En fuyant, les blancs avaient abandonné leurs armes, les deux pièces de canon et leurs munitions : on trouva en outre, dans le camp de Pernier, une grande quantité de sacs que les flibustiers avaient apportés et que les prisonniers déclarèrent destinés à contenir les têtes des hommes de couleur, s’ils avaient été vainqueurs. Les autorités populaires du Port-au-Prince les avaient mises à prix, et ces brigands s’étaient proposé d’obtenir une riche récompense. La vie de ces prisonniers ne fut pas moins respectée par les vainqueurs de cette journée, pénétrés du principe du droit des gens qui veut qu’à la guerre on épargne le vaincu. Les blancs ne leur tinrent aucun compte de cette modération dans la victoire du 2 septembre.

Les deux canons pris sur l’ennemi fournirent l’idée de l’organisation d’un corps d’artilleurs pour les hommes de couleur : on en forma deux compagnies sous les ordres de Pétion et de Gillard.

De bonne heure, Pétion avait montré du goût pour l’arme de l’artillerie : il aimait à se trouver dans la caserne du corps d’artillerie, située sur la place du champ-de-Mars, au Port-au-Prince, en face le palais du gou-

  1. Le colonel Zacharie Tonnerre, commandant du 14e régiment des Gonaïves. Il était alors au Port-au-Prince, en 1818, par sa défection en faveur de Pétion, pendant le siège de 1812 formé contre cette ville par H. Christophe. J’ai vu ce militaire, gracié par Pétion trois jours avant sa mort : les larmes qu’il versait autour du cercueil du Président touchaient tous les assistans. Le colonel Zacharie n’en versait pas moins : il était heureux de cet acte humain.