Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 1.djvu/240

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res, de la propriété qui inspire toujours des idées de conservation et de modération ; en proie, depuis un siècle et demi aux maux les plus affreux : les esclaves mirent en usage d’autres moyens pour atteindre à leur but. Incendier les plantations de cannes et les usines qui servaient à produire les immenses richesses qui faisaient l’orgueil des blancs, qui les rendaient si durs envers leurs victimes ; — tuer, massacrer leurs maîtres, les faire mourir dans des tourmens qui épouvantent le cœur humain ; ne respecter ni vieillards, ni femmes, ni enfans ; empaler les uns, scier d’autres entre deux planches, les rouer ou les brûler ou les écorcher vifs ; violer les femmes et les jeunes filles : tels furent les horribles moyens dont se servirent les esclaves du Nord qui, au dire de Moreau de Saint-Méry, étaient mieux traités que les autres.

Nous ne prétendons pas justifier ces crimes atroces ; car, quel esprit raisonnable, quel cœur sensible peut ne pas frémir au récit de toutes ces horreurs ? Mais nous les expliquons, nous les excusons même, par la nature des choses, par l’état de dégradation où ces hommes étaient tenus dans l’esclavage, étant privés systématiquement de toute instruction morale et religieuse, qui est le frein le plus sûr qu’emploient les sociétés humaines pour contenir les masses dans la subordination. Dans la première partie de cet ouvrage, nous avons cité le livre d’Hilliard d’Auberteuil qui nous apprend que, contrairement aux prescriptions du code noir, les colons s’opposaient à ce que les prêtres enseignassent la religion du Christ aux esclaves. Comment donc ces horreurs ne se seraient-elles pas produites de la part de ces hommes, dont une notable portion étaient des Africains arrachés