Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 1.djvu/70

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colonie ne doivent point avouer de semblables unions.

« Il est vrai que l’édit de 1685, vulgairement appelé code noir, permet aux blancs d’affranchir leurs négresses en les épousant, et de légitimer ainsi les enfans naturels qu’ils en auraient eus ; mais cette loi est sujette à de grands abus. Combien de négresses n’en ont-elles pas profité pour s’approprier toute la fortune de leurs maîtres abrutis dans le libertinage, et incapables de se soustraire à l’empire qu’il donne sur les âmes faibles et séduites qui s’y sont livrées sans rougir ? Les biens des familles ont été sacrifiés à la passion, sont devenus le prix de la débauche, et des noms respectables sont échus, avec les plus belles terres, à des mulâtres légitimés. Il faut prévenir pour la suite un abus aussi dangereux et si contraire à l’esprit des anciennes lois, qui ont toujours eu pour objet la conservation nécessaire des biens et des rangs[1].

» On a déjà voulu réprimer cet abus, et l’on a défendu aux affranchis et gens de sang-mêlé, de prendre les noms des blancs (règlement rendu en 1773, par le général et l’intendant, MM. de Vallière et de Montarcher, et enregistré dans les deux conseils supérieurs). On croyait éviter par ce moyen la confusion des rangs et des familles ; mais est-il quelque autorité capable d’empêcher les mulâtres et leurs descendans de porter les noms qui leur appartiennent par le droit de la naissance, qui leur ont été transmis par une suite du mariage de leurs pères ? Il faut donc empêcher qu’ils ne puissent à l’avenir se prévaloir de ces droits, et ne point

  1. En 1790, Bauvois, membre du conseil supérieur et de l’assemblée provinciale du Cap, fit un livre où il proposait de retirer aux hommes de couleur tous les biens qu’ils possédaient, pour les réduire à la domesticité.