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les coupées et de la marque à l’épaule gauche, et qui se sera enfui de nouveau, sera marqué M à l’épaule droite et aura le jarret coupé : tel est le texte de l’article 36.

Les lettres V et M remplaçaient les fleurs de lys du code noir. La royauté étant abolie, il fallait d’autres signes.


Telle fut la loi draconienne rendue le 5 mai 1793 par Polvérel et Sonthonax, revêtus des pleins pouvoirs à eux délégués par la convention nationale, et par les instructions ministérielles qui leur prescrivent de tâcher de tirer parti des esclaves révoltés contre les Espagnols. Autorisés à prendre toutes les mesures qui leur paraîtront nécessaires pour le maintien de la paix intérieure et pour assurer la défense de la colonie, ils débutent ainsi par les dispositions pénales que nous venons de relater, d’après leur proclamation.

Hâtons-nous de dire, comme une sorte d’atténuation au reproche que l’histoire est en droit de faire à leur mémoire, que par le 37e article de ce code inflexible, ils disposent que tout esclave accusé devra être jugé par les mêmes juges qui prononcent sur le sort des hommes libres. C’est sans doute un principe salutaire dans la société, que d’être jugé par des tribunaux réguliers ; mais nous craignons que cette attribution était illusoire, à raison de la qualité des juges de Saint-Domingue, tous ou presque tous propriétaires d’esclaves ; nous craignons que la passion du maître pouvait l’emporter sur l’équité du magistrat.

Nous le craignons d’autant plus, qu’à peine cet avantage est accordé aux esclaves accusés, l’article qui suit ne leur accorde le droit d’appel aux conseils supérieurs, que dans les cas où ils auraient été condamnés à mort ou à