Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/276

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pas encore entre la France et cette puissance, les troubles qui divisaient entre eux les blancs de la colonie, la fermentation qui se manifesta, dès 1789, parmi les noirs et les mulâtres, durent ajourner la résolution de la Grande-Bretagne. Pour un gouvernement aussi calculateur, aussi prévoyant, ce n’était pas le moment d’agir ; il fallait laisser la France se débattre dans ses mouvemens anarchiques. Et qui sait même si la Grande-Bretagne n’a pas spéculé alors sur l’éventualité de la mort de Louis XVI, d’après l’expérience de sa propre révolution, non pas en y poussant, mais par simple prévision des choses ?

La convention nationale lui ayant déclaré la guerre le 1er février 1793, après ce tragique et regrettable événement, la Grande-Bretagne ne fut plus retenue par aucune considération. Elle dut penser, non sans raison, qu’il serait un motif de rapprochement, de réconciliation entre tous les planteurs jusqu’alors divisés en deux grands partis : celui des indépendans, qui néanmoins étaient royalistes, et celui des contre-révolutionnaires, qui voulaient le maintien de l’autorité royale, avec toutes les formes anciennes du gouvernement colonial. Elle ne comptait pour rien dans la balance la classe des petits blancs, essentiellement partisans de la révolution, parce qu’en maintenant à Saint-Domingue l’esclavage des noirs et les préjugés coloniaux contre les hommes de couleur, elle se flattait, avec non moins de raison, que cette classe de petits blancs se réunirait facilement aux planteurs, par ces motifs mêmes.

Plusieurs colons de Saint-Domingue, Cougnac-Mion entre autres, étaient à Londres au moment de la déclaration de guerre à la Grande-Bretagne ; ils rédigèrent les propositions qu’on vient de lire, qui furent acceptées dès