Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/335

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faut-il pas y voir aussi le résultat de la haute intelligence, du zèle sincère, du dévoument profond à la France, des Pinchinat, des Bauvais, des Rigaud, des Montbrun et d’autres inférieurs qui le secondaient ? Car, dans les autres communes de l’Ouest, les hommes de couleur qui trahirent avaient été placés également par Polvérel ; mais nous avons dit notre opinion sur les sentimens qui animaient ces individus.

Quelle que soit l’opinion qu’on puisse avoir à cet égard, il est facile de concevoir que Sonthonax dut lui-même faire cette comparaison, dans la position où il se trouvait. Elle était de nature à blesser son amour-propre et à augmenter son irritation, son emportement. Nous avons vu quels ordres il donna à Laveaux et qui excitèrent, dit Garran, les justes réclamations de ce général, auquel il avoua plus tard avoir pleuré de rage en les signant. Mais Laveaux ne fut pas le seul qui réclama contre ces ordres barbares. À ce sujet, Polvérel lui adressa la lettre suivante que nous transcrivons pour honorer la mémoire de cet homme éminent.


Il me tarde autant qu’à vous, lui-dit-il, que les révoltés soient punis, et que la liberté générale triomphe ; mais quelles armes employez-vous ? les flammes ! Vous vouez donc à l’incendie tous les édifices, toutes les plantations des quartiers où la révolte s’est manifestée ! Vous voulez donc que la république perde toutes les habitations séquestrées et confiscables à son profit ! Vous voulez donc que les guerriers et les cultivateurs perdent toutes les propriétés qui leur étaient destinées par l’émigration, la révolte ou la trahison des anciens propriétaires ! Et quand les flammes auront dévoie toutes nos ressources et toutes nos espérances en denrées, quels moyens vous restera-t-il pour les dépenses publiques ? Et comment ramènerez-vous les cultivateurs au travail, lorsque vous ne pourrez leur offrir que des monceaux de cendres, et trois ou quatre années de fatigues et de dépenses sans revenus ? Et si vous ne les ramenez pas au travail, comment les empêcherez-vous de se