Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/433

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cet officier espagnol qui le punit, dans la personne de son neveu, de sa femme et de ses enfans, pour avoir repoussé les violences de Biassou ? Si ces personnes intéressantes ont été relaxées, n’est-ce pas dans l’intention de le saisir lui-même ? Dans cette pensée, le prudent Toussaint peut-il continuer à servir les Espagnols, pour l’amour de Dieu et des Rois ? S’il est prudent, n’est-il pas capable aussi des résolutions les plus énergiques ?

Le soin de sa propre conservation, à l’égard de Biassou qu’il vient de chasser du Dondon et d’Ennery, à l’égard de Jean François qu’il redoute aussi et qui peut se réunir à Biassou contre lui ; le désir de se venger de Don Cabrera : tout lui inspire immédiatement la résolution de quitter le service du roi d’Espagne ; et il n’ignore pas que les agens français désirent depuis longtemps qu’il abandonne cette cause, qu’il peut leur être de la plus grande utilité. Mais, avant de passer au service de la France, il faut qu’il accomplisse ses desseins ; en attendant, il enverra à Don J. Garcia de nouvelles protestations écrites, de nouveaux sermens de fidélité au Roi et à ce gouverneur ; il lui dira que jamais il ne se départira de ses principes, qu’il est inébranlable et ferme comme un rocher, que sa religion le porte à tout endurer avec constance et patience, pour les souffrances que Notre-Seigneur Jésus-Christ a endurées pour nous. Toussaint Louverture connaît parfaitement son bréviaire ; et s’il assure le gouverneur espagnol de son aveugle obéissance et de son entière soumission à ses ordres et à ceux de ses reprèsentans sur la frontière ; s’il jure, en terminant sa lettre, qu’il est décidé à répandre jusqu’à la dernière goutte de son sang pour soutenir la cause de Dieu et de son Roi, il n’a pas moins résolu de répandre le sang de tous les Espagnols qui pourront tomber sous sa main.