Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/104

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d’ordonnateur, que Perroud eût cherché à contrarier Laveaux sur ce point.

Suivant Gatereau, Perroud aurait imaginé de créer son papier-monnaie au Port-de-Paix, pour trouver moyen de s’enrichir : ce papier étant déprécié successivement à 50, 60 et 70%, des agens dans le commerce se chargèrent de le recevoir ainsi, pour le compte de l’ordonnateur personnellement. Ce que Laveaux dit de ce Ponsignon qui, au Cap, recevait le papier-monnaie, ne semble-t-il pas donner créance à l’assertion de Gatereau ? Quelle nécessité y avait-il d’y émettre pour 21,000 livres de papier, aussitôt leur arrivée au Cap, en contraignant les officiers de la garnison à le recevoir à 50 % de perte ? Ce fait de l’ordonnateur, d’accord avec le gouverneur, n’était-il pas de nature à faire naître des soupçons contre eux et à exciter le mécontentement des militaires ? Si Perroud retira de la circulation ces 21,000 livres de papier, c’est qu’effectivement il y avait moyen de payer les officiers en argent. Gatereau affirme enfin, que Perroud achetait du commerce, tant au Port-de-Paix qu’au Cap, des toiles, des draps, etc., de mauvaise qualité, à un prix élevé, qu’il donnait aux cultivateurs au lieu d’argent, pour ce qui leur revenait de leur portion, sur les denrées récoltées des habitations séquestrées et gérées pour compte de la République, et aux officiers et aux soldats en place d’argent pour leur solde.

Que tous ces faits soient exagérés ou non, on conçoit néanmoins que dans un pays où l’on était habitué à voir les comptables, les administrateurs de finances abuser de leur position, dilapider les deniers publics, ces faits, ces mesures prises par Perroud, devaient motiver de graves soupçons contre lui, et même contre Laveaux qui l’ap-