Pour mieux juger de l’esprit de Raymond, de ses idées, de ses sentimens à l’égard des mulâtres, citons un passage de l’un de ses écrits, publié à Paris, en 1791. C’est une lettre qu’il adressa à Brissot, pour répondre indirectement à un autre écrit d’un blanc nommé Laborde. Ce dernier le qualifiait de mulâtre ; on sait que dans le langage colonial, cette expression signifie l’homme né d’un blanc et d’une négresse, ou d’un nègre et d’une blanche. Julien Raymond assimila cette qualification à une injure : il dit dans sa lettre à Brissot :
« Laborde me désigne comme mulâtre, en parlant de celui qui vous a fourni des faits. Si je l’étais, je n’en rougirais pas, parce qu’une âme honnête n’a jamais à rougir que de mauvaises actions ; mais Laborde doit me connaître assez, pour savoir que je suis fils et petit-fils, en légitime mariage, de pères blancs européens et habitans de Saint-Domingue… »
Il résulte de sa réclamation cutanée, que J. Raymond était ou quarteron ou métis, plus rapproché du blanc que du noir par la couleur de sa peau, et qu’il établissait à ce sujet une grande différence entre lui et les vrais mulâtres, qu’il se targuait encore de sa qualité d’enfant légitime, par rapport à ceux de sa classe nés enfans naturels[1].
D’après ces antécédens de J. Raymond, peut-on être étonné de son adresse aux hommes de couleur ? Ruiné par la révolution, ayant besoin de refaire sa fortune, égoïste à l’égard des noirs, imbu des préjugés coloniaux contre les mulâtres, il devait s’estimer trop heureux, trop honoré du choix qu’avait fait de lui le Directoire exécutif, pour ne
- ↑ Dans son rapport particulier sur J. Raymond, du 13 mai 1795, Garran dit en deux fois, « qu’il mettait les intérêts de la France au-dessus de la causse même des hommes de couleur. »