Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/22

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pas y voir l’effet du machiavélisme de Polvérel ? Si Montbrun, l’égal de Rigaud, avait commis des vexations atroces contre Bauvais ou tous autres officiers, lui appartenait-il de l’arrêter pour ce motif ? Laveaux, leur chef supérieur, n’était-il pas plus apte à en juger et le seul autorisé à en décider ? S’il avait fait des actes d’agiotage et d’accaparement, était-ce encore au gouverneur du Sud à en juger ? Le gouverneur général de Saint-Domingue n’était-il pas là, dans le devoir de recevoir les plaintes et d’en décider ? Nous ne doutons nullement, qu’après avoir reçu la lettre de Desfourneaux contre Montbrun, et celle de Sonthonax à son départ, Laveaux n’eût ordonné lui-même son arrestation, sachant surtout la pensée de Polvérel à son égard ; mais c’était à lui à prendre cette mesure, et non à Rigaud. Ce coupable excès de zèle, à notre avis, prouve peu de modération de la part de celui-ci, un oubli de la qualité de Montbrun et du droit qui en dérivait, de n’être jugé que par son supérieur hiérarchique. Rigaud montra trop de condescendance aux conseils de Polvérel.

Quant à Bauvais, il se rendit tout simplement, en cette circonstance, un instrument de Rigaud. Sans nul doute, il aura été flatté d’occuper la position de Montbrun dont l’un et l’autre ont pu être jaloux, parce qu’il était venu de France, après qu’ils étaient déjà à la tête de la classe de couleur. Mais Bauvais n’aura pas entrevu alors, que le résultat de cette affaire ferait passer la prépondérance du pouvoir du côté de Rigaud. Au reste, pour Bauvais, la lettre du délégué de la France était un ordre déterminant ; il fallait y obéir.

Si Pinchinat reconnut la nécessité d’enlever le commandement à Montbrun, vu les circonstances diverses de cette affaire, rien ne prouve qu’il trempa dans le pro-