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Ainsi, en mars 1797, la colonie paraissait avoir trois députations d’origine différente. Ce fut une des causes de l’annulation prononcée contre toutes, et cela par le tort même de l’agence du Directoire exécutif.

Ce qui peut confirmer les assertions d’A. Chanlatte et de Barbault-Royer, concernant l’influence attribuée au général Pierre Michel dans les élections, est la curieuse lettre suivante de T. Louverture à Laveaux. Il était aux Gonaïves, le 17 août, quand il reçut avis de son cher papa que l’assemblée électorale allait se réunir. Le même jour il se rendit sur l’habitation Descahos, une de ses propriétés où il s’est retiré souvent pour méditer ses plans : de là il écrivit à Laveaux :


Mon général, mon père, mon bon ami

Comme je prévois avec chagrin qu’il vous arrivera dans ce malheureux pays, pour lequel et ceux qui l’habitent, vous avez sacrifié votre vie, votre femme et vos enfans, des désagrèmens, et que je ne voudrais pas avoir la douleur d’en être spectateur, je désirerais que vous fussiez nommé député, pour que vous pussiez avoir la satisfaction de revoir votre véritable patrie, et ce que vous avez de plus cher, — votre femme et vos enfans, et être à l’abri d’être le jouet des factions qui s’enfantent à Saint-Domingue ; et je serai assuré, et pour tous mes frères, d’avoir pour la cause que nous combattons le plus zélé défenseur. Oui, général, mon père, mon bienfaiteur, la France possède bien des hommes ; mais quel est celui qui sera à jamais le vrai ami des noirs comme vous ? Il n’y en aura jamais !

Le citoyen Lacroix est le porteur de ma lettre ; c’est mon ami, c’est le vôtre : vous pouvez bien lui confier quelque chose de vos réflexions sur notre position actuelle : il vous dira tout ce que j’en pense. Qu’il serait essentiel que nous nous voyions et que nous causions ensemble ! Que de choses j’ai à vous dire ! Je n’ai pas besoin, par des expressions, de vous témoigner l’amitié et la reconnaissance que je vous ai : je vous suis assez connu.

Je vous embrasse mille fois ; et soyez assuré que si mon désir et