C’est dans de telles circonstances que les délégués reçoivent avec les dépêches de l’agence, une lettre de Sonthonax du 17 août, ainsi conçue :
« Il est malheureux que toutes les démarches que vous avez faites jusqu’à ce jour pour vous saisir de Pinchinat, aient été infructueuses ; les intrigues de cet homme, dont l’influence dans la partie du Sud est vraiment colossale, peuvent nuire beaucoup aux succès de vos opérations ; ne négligez donc rien pour que les ordres de la commission à son égard soient exécutés promptement… Ma dernière lettre contenait l’ordre d’arrêter Lefranc. »
Boute-feu révolutionnaire, Sonthonax, comme un ange exterminateur, a été jeté parmi cette population ardente, pour y allumer toutes les passions, pour assouvir les siennes propres ; car il ne peut pardonner à Pinchinat son influence acquise par ses talens, la participation qu’il lui a injustement attribuée à un projet imaginaire de son assassinat à Saint-Marc, la complicité qu’il lui a supposée avec Montbrun agissant avec tant de vigueur contre Desfourneaux, la complicité qu’il lui a encore supposée avec Villatte dans l’affaire du 30 ventôse : vengeance ! voilà ce qui l’anime contre Pinchinat. Et c’est ce même Desfourneaux qui tient l’épée de l’extermination décrétée ! Mais à ce moment, Sonthonax ne pensait pas que cette épée venait d’éprouver un fatal échec devant le camp Raimond.
Toutefois, Desfourneaux ne s’arrêtant pas à cette considération, croit le moment propice pour mettre à exécution les ordres formels de Sonthonax. Les délégués pensent de même : ils ne voient pas plus que lui que la fermentation est dans les esprits. En même temps qu’ils font publier la constitution le 10 fructidor (27 août), ils font arrêter de nuit Gavanon, qu’ils envoient à bord de l’Africaine,