Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/260

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui était dans la rade des Cayes, sous le prétexte qu’il tenait des conciliabules nocturnes chez lui. Ils font aussi arrêter et envoyer sur le même navire un autre blanc nommé Tuffet Laravine, sous le prétexte qu’il a tenu des propos incendiaires. En faisant opérer ces deux arrestations, c’est encore pour prouver qu’ils n’en veulent pas seulement aux hommes de couleur. C’est l’arbitraire à côté de la légalité.

Desfourneaux avait mandé le colonel Lefranc, de Saint-Louis. Dès son arrivée, ce général l’apostropha en ces termes : « Te voilà donc, f… gueux de mulâtre ! Va, bien « d’autres que toi ne m’échapperont pas ; vous y passerez tous, caste maudite ! Conduisez ce b… — là à bord de « l’Africaine ! »

Tel fut le procédé de ce général envers Lefranc, auquel la délégation avait enlevé déjà la charge d’inspecteur des cultures.

Lefranc, arrêté, est conduit dans la direction du port. Mais ce mulâtre était un homme courageux et d’une force herculéenne : en chemin il s’échappe des mains de deux aides de camp qui le conduisaient, et quoique poursuivi par eux le sabre nu à la main[1], il réussit à leur échapper et se rend à la Tourterelle : il y trouve des soldats de la légion qu’il commande. En courant par la ville, il avait crié aux armes ! Au fort, il fait tirer le canon d’alarme.

Desfourneaux fait battre la générale.

Ces deux appels sinistres font armer toute la population

  1. Le rapport des délégués dit que Lefranc se dégagea des mains des officiers, en leur donnant des coups de tête. Nous avons oui dire, en effet, que Lefranc, inspecteur de culture, infligeait aux cultivateurs vagabonds, pour toute punition, de se battre avec lui a coups de tête. Il était excessivement redouté pour ce genre de punition qui tenait de sa nature brutale.