servée que vous deviez tenir à son égard. Rigaud pourra donner à cette entrevue les couleurs d’une fraternisation entre vous deux, et les citoyens qu’il a égarés, vous croyant d’accord, ne le regardant plus comme un rebelle, ne se prononceront plus contre lui. Si je n’étais assuré de la pureté de vos intentions, je m’appesantirais sévèrement sur une démarche qui peut avoir des suites dangereuses. Plus d’entrevue désormais avec les rebelles du Sud, plus de communications d’aucune espèce. Ne recevez jamais Rigaud à Léogane, ni seul, ni accompagné, avec ou sans forces ; il ne faut pas que vous le voyiez ; il ne faut pas que son souffle empoisonné puisse s’exhaler sur vous. Si vous êtes menacé ou attaqué par les Anglais, adressez-vous au général Bauvais ; s’il est dans l’impuissance de vous secourir, alors, comme la conservation du territoire doit faire passer sur toutes les considérations, vous demanderez à Rigaud des renforts ; mais vous lui observerez bien que les officiers qui les commanderont vous seront subordonnés, et lui-même surtout, dans aucun cas, ne doit mettre les pieds à Léogane. »
Conçoit-on des ordres aussi contradictoires ? Tantôt Sonthonax permet à Laplume de recevoir Rigaud à Léogane, comme un camarade, un frère d’armes, tantôt il lui en fait défendre l’entrée ; il ordonne de le mettre entre deux feux, de commencer la guerre civile, de ne pas recevoir ses troupes dans l’arrondissement de Léogane ; et cependant, si les Anglais menacent Laplume, il l’autorise à demander des renforts à Rigaud ; Laplume doit ainsi, dans ce cas, correspondre avec le rebelle, tandis qu’il lui a défendu toute correspondance avec lui. Il a créé une fausse situation par ses injustices envers Rigaud, et elle l’embarrasse maintenant.