Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/362

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propres idées ; dans tous les cas, il est assuré de complaire à son frère d’armes, à son émule de gloire, en l’exécutant. Il n’est pas moins assuré de rallier à son œuvre tous les mécontens, tous ceux qui aiment à espérer beaucoup dans un pouvoir nouveau, lorsque celui qui exerce l’autorité légale est évidemment dans une impasse.

Si T. Louverture a fait un écrit pour répondre aux diatribes lancées à la tribune contre les noirs et leurs chefs par Viennot Vaublanc, colon de Saint-Domingue, n’est-il pas entouré déjà de beaucoup de colons disposés à accuser Sonthonax, par cela seul qu’il avait prononcé la liberté générale des esclaves ; mais dissimulant alors les motifs de leur mécontentement, pour avoir accès dans l’esprit du général en chef, et l’engager aussi à la résolution qu’il caresse ? Il est donc encore rassuré du côté de ce parti, qui espère mieux en ses moyens d’action sur les noirs, qu’il est de leur intérêt de voir revenir à la culture ; et T. Louverture a besoin que les produits augmentent ses ressources financières, par rapport à son armée qui se plaint et qu’il faut satisfaire.

Toutes ces causes réunies concoururent évidemment à l’embarquement forcé de Sonthonax ; et nous disons avec conviction, qu’on ne saurait accuser la seule ambition de T. Louverture d’avoir pris cette mesure. Quant à l’adresse qu’il fallait employer pour l’exécuter, personne ne réunissait mieux la capacité nécessaire à une telle entreprise : le machiavélisme de ce général était trop ingénieux pour y échouer.


Sonthonax l’avait invité à venir au Cap, ou plutôt lui avait témoigné le désir qu’il y vînt pour le voir, l’embrasser el conférer avec lui, au sujet de la conspiration