Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tions incessantes de l’autorité française qui gouvernait alors[1].


Ainsi finit sa carrière, l’athlète le plus redoutable pour la faction coloniale. Se trouvant en France pendant qu’Ogé, J. Raymond et les autres commissaires des hommes de couleur faisaient des démarches auprès de l’assemblée constituante pour obtenir l’égalité des droits

  1. Rien ne peut mieux donner une idée de la haine aveugle qui persécutait alors les hommes de couleur, que les tribulations endurées par Pinchinat.

    Lors de ma mission à Paris, en 1838, j’eus l’occasion de voir chez le comte de Laborde, ancien propriétaire à Saint-Domingue, M. Gabriel Delessert, son gendre et alors Préfet de police. Je priai le comte de Laborde de lui demander, de faire faire des recherches sur les registres de la Préfecture, afin de me dire à quelle époque Pinchinat fut emprisonné et mourut. Je dus à la complaisance de M. G. Delessert les renseignemens suivans :

    « Pierre Pinchinat, homme de couleur de Saint-Domingue, est entré au Temple, prison d’État, le 30 nivôse an 9 (20 janvier 1801). Il en fut extrait neuf jours après. On perd sa trace jusqu’au 18 ventôse an 11 (9 mars 1803), jour où il a été mis à Sainte-Pélagie, pour y être à la disposition du ministre de la marine. Il fut mis au secret deux jours après, le 11 mars. Le secret fut levé le 26 floréal suivant (16 mai). Transférée la Préfecture le 3 brumaire an 12 (26 octobre), il fut réintégré à Sainte-Pélagie, puis transféré de nouveau à la Préfecture le 27 brumaire (19 novembre), puis réintégré encore à Sainte-Pélagie le 7 pluviôse (28 janvier 1804). Extrait de nouveau de Sainte-Pélagie, le 28 pluviôse (18 février), et transféré une troisième fois à la Préfecture le 17 ventôse (8 mars), étant malade il lut envoyé à l’infirmerie de la Force où il est décédé le 10 floréal an 12 (30 avril 1804). — On ne trouve, ajoute la note de renseignemens, sur aucun des registres des prisons, les motifs des incarcérations du sieur Pinchinat. Il est probable que son affaire se rapportait à celle de Toussaint Louverture. »

    Déjà, depuis un an, ce dernier était mort aussi de chagrin et de misère au château de Joux. Il est à présumer que les colons présens à Paris, alors toutpuissans, désignèrent Pinchinat aux rigueurs du gouvernement français. Le contre-amiral Panayoty qui l’a assisté dans sa détresse à Sainte-Pélagie, m’a dit que son emprisonnement eut lieu aussi sur la demande de Rochambeau, capitaine-général après Leclerc, qui le dénonça comme ayant été le directeur des hommes de couleur. À la même époque, en 1803, André Rigaud et Martial Besse furent incarcérés au château de Joux, avant la mort de T. Louverture. Ils durent leur élargissement à la protection de Louis Bonaparte, père de l’Empereur Napoléon III. Honneur à la mémoire de Louis Bonaparte !