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et que ce début choqua T. Louverture qui entrevit le blâme tacite de sa conduite en cette circonstance. Cependant, s’il faut s’en rapporter à la correspondance officielle, Hédouville eut pour J. Raymond tous les égards qu’il devait à un agent qu’il venait remplacer. Raymond lui avait écrit qu’il irait au-devant de lui au Fort-Liberté ; de Saint-Yague, il lui répondit de s’en abstenir, mais qu’il acceptait avec plaisir la voiture qu’il lui envoya. Il se peut, néanmoins, qu’un froid accueil ait témoigné à Raymond qu’il s’était rendu coupable envers Sonthonax ; et s’il en a été ainsi, ce fut une faute de la part d’Hédouville : T. Louverture était trop perspicace pour ne pas la comprendre, trop habile pour ne pas en tirer parti.

Certes, J. Raymond méritait une telle humiliation, si toutefois sa connivence avec Sonthonax et le gouvernement français, pour faire abattre l’influence des hommes de couleur, ne le rendait pas, d’un autre côté, digne de quelque indulgence de la part du nouvel agent. Quand un homme oublie ce qu’il se doit à lui-même et ce qu’il doit à ceux qui ont le même intérêt que lui, s’il devient l’objet du mépris du gouvernement qu’il a servi dans ce but, l’historien constate seulement ce qu’il a éprouvé. En admettant ce fait, J. Raymond ne nous paraît pas plus digne de sympathie, que Savary aîné qui a encouru la déportation, pour avoir trahi la cause de la liberté générale des noirs.

Quoi qu’il en ait été, J. Raymond ne tarda pas à partir pour la France avec Pascal[1].


Le 23 avril, trois jours après l’arrivée d’Hédouville au

  1. Une lettre de T. Louverture à Hédouville constate le départ de Pascal.