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le prix de ses services, et que sa défiance lui faisait envisager peut-être comme nécessaire à sa sûreté. »

Ainsi, le mal partait de France même ; c’étaient des Français qui le faisaient.

Cependant, nous trouvons dans nos documens, deux lettres adressées par T. Louverture à Laveaux, datées du Cap, les 1er et 5 juin. Comme elles sont propres à expliquer son caractère et à jeter du jour sur cette situation, nous en parlons ici.

Dans ces deux lettres, le général en chef prodigue à Sonthonax les termes les plus injurieux, et lui conteste tout droit à la considération de la population de Saint-Domingue, et surtout des noirs ; il le qualifie de monstre, de désorganisateur justement abhorré, d’ambitieux scélérat ; il s’étonne que Laveaux l’ait bien accueilli à son arrivée en France, après avoir déposé dans son sein ses chagrins et ses peines, et ses craintes sur l’administration de Sonthonax ; qu’il puisse le croire plus honnête homme que lui, T. Louverture, plus ami de la liberté des noirs, etc. Il dit à Laveaux qu’il a eu tort de penser que le renvoi de Sonthonax a été l’œuvre de Raymond et de Pascal, parce qu’il lui avait prouvé plusieurs fois qu’il était incapable d’être le jouet ou l’instrument des hommes ; qu’il l’a renvoyé, pour lui avoir proposé de proclamer l’indépendance de la colonie, en égorgeant tous les Européens. « Ce n’est pas le pouvoir que j’ai attaqué, que j’ai renvoyé ; « c’est Sonthonax, assassin de la liberté, infidèle à sa patrie, que j’ai arrêté, déconcerté dans ses projets d’indépendance. J’ai respecté et fait respecter le pouvoir dans les mains de Raymond (on sait comment), parce qu’il n’a pris aucune part à la criminelle audace de Sonthonax. Je fournirai encore la preuve que je fais res-