recommandant de se méfier des Anglo-émigrés, et qu’il l’attend avec impatience pour faire connaissance avec lui. Cette réponse prouve que l’agent n’ignorait pas le large pardon prononcé dans la chaire du Port-au-Prince, et qu’il s’inquiétait de la démarche de ce dévot politique dont les allures contrastaient avec ce qui se passait à Paris même, où les églises servaient à donner des fêtes patriotiques, des repas somptueux.
Le 31 mai, arrivé aux Gonaïves, T. Louverture écrivit à Hédouville sur divers objets, et termina sa lettre ainsi : « Je cesse de m’entretenir avec vous pour m’acheminer vers vous et satisfaire mon cœur, en vous allant rendre mes devoirs et faire votre connaissance. »
Il n’est pas vrai, comme l’affirme Pamphile de Lacroix, qu’il fut au Cap cette fois avec Rigaud : cette assertion a été mal à propos répétée par M. Saint-Rémy[1]. Nous dirons quand et comment Rigaud se rendit avec lui auprès de l’agent.
Cette première entrevue entre l’agent et lui, eut toutes les apparences de la franchise, quoique T. Louverture fût d’avance prévenu, et par les propos tenus par les officiers de l’état-major du général Hédouville, et par les avis qu’il reçut de France, de la part de la faction coloniale, sur l’objet de sa mission. Nous lisons, en effet, dans le rapport de Kerverseau :
« Toussaint, déjà prévenu contre Hédouville, par les artifices d’une faction qui, de Paris même, travaillait depuis plusieurs mois à préparer sa ruine, était de plus irrité de voir conférer à un autre une puissance que son ambition convoitait, que son orgueil lui montrait comme
- ↑ Mémoires de P. de Lacroix, t. 1 p. 339. Vie de Toussaint Louverture p. 207.