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avait assez de génie pour que l’on croie qu’il a beaucoup fait, sinon tout, par ses propres inspirations. Mais, cette prétention même peut le rendre seul responsable, et plus coupable aux yeux de la postérité, si l’histoire prouve qu’il a fait le mal, lorsqu’il aurait pu faire le bien.

Indépendamment de son rapport qu’il fit imprimer, il publia un écrit intitulé Exposition de l’événement du Fort-Liberté, rédigé d’après les déclarations d’une foule d’individus qui en furent témoins.

Dans l’exposition des faits, le général en chef, discutant ces diverses déclarations, établit lui-même la justification du citoyen Manigat, de cet honnête homme, en attribuant tout ce qui se passa au Fort-Liberté à un blanc nommé Raffîn, — l’être, dit-il, le plus intrigant, le plus immoral, le plus abject, le plus caméléon, le plus machiavélique. Il démontra que Manigat ne fit que ce que lui inspirait ce Raffîn, qui a souvent contrefait sa signature ; que s’il avait dépendu de Manigat, il aurait calmé les esprits et ramené le bon ordre ; que ce témoignage a été donné en sa faveur par Moïse lui-même, par Adrien, colonel du 5e régiment, et par tous les citoyens du Fort-Liberté.

Manigat n’avait donc que de bonnes intentions ; il n’avait agi que sous la pression d’un intrigant ! Néanmoins, T. Louverture fit arrêter Manigat qui fut emprisonné dans le Grand-Fort du Port-de-Paix. Il subissait encore cette détention injuste et arbitraire, à l’arrivée de l’expédition française, en 1802[1].

  1. Nous relevons cette injustice de T. Louverture, pour honorer la mémoire d’un homme vertueux que nous avons connu, estimé, aimé, comme tous nos contemporains. Manigat est mort au Cap à un âge avancé, après avoir rempli des fonctions importantes dans la République d’Haïti : il fut universellement respecté et regretté.