Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/527

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Ainsi, ce ne fut pas de son propre mouvement que T. Louverture appela Roume.

Nous remarquons ici que les instructions du Directoire exécutif à ce nouvel agent, qui recueillait la succession du mort, étaient doubles, puisqu’il y avait sous la première enveloppe du paquet, deux autres cachetés : l’un, sans nul doute, contenant des instructions ostensibles, basées sur de beaux principes ; l’autre, contenant des instructions secrètes, basées… sur quoi ? La conduite de Roume répondra à cette intéressante question ; et l’on verra que ce personnage était aussi bien fabriqué pour le rôle auquel le Directoire exécutif le destinait, que pour celui qui convenait à T. Louverture.

Quel était le but de ce dernier, par le renvoi d’Hédouville ? De gouverner Saint-Domingue comme il l’entendait, au profit de son insatiable ambition. S’il arriva à cette conception hardie, audacieuse, n’est-ce pas à Laveaux, à Sonthonax, et même au Directoire exécutif, à leur politique machiavélique, qu’on doit le reprocher, si toutefois on peut trouver T. Louverture coupable d’avoir conçu un projet aussi gigantesque ? Le système adopté par le gouvernement français et ses agens avait cru trouver en lui un instrument aussi docile qu’il était effectivement utile ; mais il sentit sa valeur ; il crut que ses capacités lui donnaient le droit de gouverner la colonie : il voulut en user, en dépit de la France.

Oh ! ce n’est pas nous qui lui reprocherons une telle ambition ; car elle était trop naturelle de sa part. Notre devoir consistera seulement à le suivre dans tous ses procédés, à constater quel usage il fit de son pouvoir, de son autorité. Si l’histoire nous donne les moyens de prouver qu’il a fait le bien en faveur de toutes les classes de la