Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 4.djvu/115

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verture accablant les habitans de réquisitions d’hommes et d’animaux, épuisant la colonie pour satisfaire son ambition et assouvir ses vengeances ; et devenu furieux par ses défaites et une résistance à laquelle il ne s’était point attendu ; et tourmenté par les soupçons et par la peur qui rendent les hommes cruels, se baignant dans le sang, couvrant la colonie de commissions militaires composées d’hommes qui ne savaient pas lire, jugeaient à huis clos, et faisaient exécuter, de nuit, leurs sentences de mort ; enfin, renouvelant à Saint-Domingue les fusillades, les mitraillades et les affreuses scènes des Collot et des Carrier (les noyades, comme à Nantes), et toujours constant dans sa fausseté et dans son hypocrisie… au milieu des scènes de sang dont l’île entière était le théâtre, et des cris des milliers de victimes qu’il immolait chaque jour à ses craintes et à sa tyrannie, faisant célébrer des messes solennelles, des Te-Deum, réciter des rosaires par ses soldats, et retentir le quartier-général du chant des cantiques spirituels… »

On ne peut douter de la véracité du témoignage de Kerverseau, lorsqu’on le voit citer, par comparaison, les actions cruelles de deux blancs comme lui, Collot-d’Herbois et Carrier, qui souillèrent comme tant d’autres la belle révolution française, par leurs crimes. C’est qu’en effet, les actions des hommes doivent être jugées d’après les principes de la morale qui est une pour tous, qui n’admet entre eux aucune différence d’origine, de caste et de couleur.

Et cette observation même que nous faisons ici en faveur de Kerverseau, nous porte naturellement à une réflexion. Est-il étonnant, après tout, qu’à Saint-Domingue, T. Louverture ait commis ces crimes, lorsqu’en France,