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sibles habitans de la partie espagnole ; et puisque je suis dans l’alternative d’être sacrifié ou de demander cette prise de possession, mon choix est fait. La France me vengera ; frappez !… »

T. Louverture qui ne savait pas reculer, lui dit alors, avec non moins d’énergie : « Si vous ne signez pas un arrêté pour m’autoriser à cette prise de possession, c’en est fait de tous les blancs de la colonie ; et j’entrerai dans la partie espagnole la torche et le fer à la main. »

Les membres de l’administration municipale, plus effrayés peut-être que Roume, le supplièrent de céder ; ils lui firent une adresse au nom du peuple assemblé, en le requérant de remplir ses vœux. Et Roume céda[1] ! Voici ces deux pièces d’une scène tragi-comique :

Au Cap, le 7 floréal an 8 (27 avril 1800).
L’administration municipale du Cap-Français,
À l’agent Roume.

Citoyen agent, — Nous avons eu connaissance des peines que vous avez prises pour faire cesser dans la partie ci-devant espagnole, l’infâme abus qui s’y est introduit depuis que vous en êtes parti, de vendre et de traiter comme esclaves, des citoyens français conduits de la partie française à celle-là. — Le cri public s’est élevé contre un abus qui insulte à la majesté du peuple français ; ce peuple aussi vertueux que courageux s’est prononcé ; il demande par notre organe, qu’en vertu du traité de Bâle et des instructions dont vous êtes porteur, vous fassiez immédiatement prendre possession de la ci-devant partie espagnole.

Nous vous requérons, citoyen agent, au nom du salut public, de concerter avec le citoyen général en chef, les moyens les plus convenables

  1. Nous avons puisé tous ces faits dans ! e rapport d’A. Chanlatte. Dans sa Vie de Toussaint Louverture, p. 278 à 280, M. Saint-Rémy les relate différemment : il n’attribue qu’à Moïse les violences faites à Roume, dans la maison qu’il occupait. Mais nous avons lieu de croire qu’il confond ces faits avec ceux qui eurent lieu, à l’occasion de la réclusion de Roume au Dondon, en novembre 1800.