Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 4.djvu/219

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Si des familles entières furent compromises, si elles subirent un sort affreux, en pouvait-il être autrement lorsque T. Louverture frappait indistinctement tous les hommes qu’il soupçonnait seulement de sympathie pour Rigaud ? Comment éviter ou empêcher de tels résultats, avec un homme qui ne se laissait pas guider par la justice ? Ne verrons-nous pas ces scènes barbares se renouveler sous H. Christophe, dans sa guerre avec Pétion, sans qu’on puisse accuser ce dernier d’avoir abandonné des familles à ses vengeances injustes ? Qui oserait en accuser Pétion ?…

Hors ses premiers pas dans la carrière, Bauvais se montra-t-il jamais à la hauteur de sa position, comme le premier général des anciens libres ? Sa neutralité funeste, ne fut-elle pas une faute pire que celle commise par Rigaud ? Celui-ci ne fut jamais son ennemi secret, il ne se tourmenta pas de sa gloire  ; mais, plus actif, plus audacieux, plus ambitieux sans doute que Bauvais, il prit une position supérieure à la sienne, aux yeux et de l’aveu de tous les anciens libres, parce qu’en temps de révolution, les partis se rallient aux hommes résolus et non pas à ceux qui montrent des scrupules à chaque pas. Comment Rigaud eût-il pu être jaloux de la gloire de Bauvais, lorsque la sienne était au moins égale ? Ne furent-ils pas toujours en correspondance intime ? Nous l’avons prouvé.

Nous ne savons quelle fortune colossale emporta Rigaud dans l’exil, pour avoir pu refuser le pain quotidien à ses compagnons d’infortune accablés de misère. Ce sont là de vagues accusations qui exigent des preuves[1]

  1. Ainsi que Bauvais, Rigaud fut fait prisonnier par les Américains. Or, si les Anglais prirent tous les effets et l’argenterie de Bauvais, les Américains n’ont rien laissé à Rigaud, qu’ils haïssaient. À la Guadeloupe, les agens français durent subvenir à ses besoins. Nous avons lu des lettres qui l’attestent.