Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 4.djvu/423

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gade, parce qu’encore, dans la répression de la révolte du Môle, Moïse avait ménagé beaucoup d’hommes de couleur ; il ne s’était décidé à l’élever au grade de général de division qu’en prenant possession de la partie espagnole ; et en proclamant sa constitution, il fit de nombreuses promotions dans l’armée, pour attacher tous ces militaires au nouvel ordre de choses qu’elle consacrait. Mais ce fut, au contraire, pour Moïse, une occasion de reconnaître tout ce qu’il y avait de faux dans le système politique de son oncle, et d’en parler trop publiquement : de là les accusations, les délations contre Moïse, par tous ceux qui étaient intéressés à le perdre.

Ses paroles imprudentes étant colportées parmi les cultivateurs qui souffraient du régime intolérable sous lequel on les avait placés, ces hommes qui étaient vexés, tourmentés chaque jour, auront probablement pensé qu’en se révoltant, en massacrant des blancs, ils contraindraient le gouverneur à changer de système. Ce fut un mouvement non prémédité de longue main, ainsi que le dit Pamphile de Lacroix ; il aura eu lieu d’abord sur une habitation du Limbe, où peut-être des actes de violence avaient été commis, et le mouvement se sera propagé de proche en proche jusqu’aux portes du Cap, dans d’autres communes de l’intérieur où les autres cultivateurs souffraient aussi ; mais sans que ce fût le fait de Moïse « organisant une vaste conspiration dans les campagnes, après en avoir établi le siège au Cap. »

Peut-on concevoir, en effet, que Moïse, général de division, commandant en chef le département du Nord, n’ait pas gagné un seul soldat de la troupe en garnison au Cap, et qu’il ait couru les campagnes pour les soulever, quatre jours seulement avant celui fixé pour sa conspiration ?