Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 4.djvu/424

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Indépendamment de l’attachement qu’il avait toujours montré à son oncle, est-il encore supposable que, voyant son pouvoir plus fortement assis que jamais, Moïse aurait choisi ce moment « pour s’armer contre lui, exterminer les blancs, réunir les noirs et les jaunes, et proclamer l’indépendance de la colonie ? » Est-ce que les mulâtres étaient comptés pour rien à cette époque et pouvaient seconder un tel mouvement ?

Pesons donc cette appréciation du général français, qui a dû entendre bien des colons au sujet de cette révolte, et qui reconnaît que Moïse haïssait les blancs, mais qui le disculpe de ce fait, en disant deux fois dans sa narration que ce fait eut lieu par rapport au travail exigé des cultivateurs. Il dit bien qu’on l’accusait d’en être le chef, que le gouverneur accueillit ces accusations ; mais qu’au fond cela n’était pas.

Les noms de Christophe et de Dessalines qui se trouvent mêlés dans ces troubles, ne semblent-ils pas indiquer que le premier s’en sera fait un mérite auprès du gouverneur, pour accabler Moïse, de concert avec les colons ? L’ambition de Christophe, sa servilité envers le gouverneur, son union avec les blancs, la protection qu’il leur accordait contre Moïse, son chef, jusqu’à les porter « à n’avoir point pour lui les égards qu’ils lui devaient » : tout dénote que dans cette circonstance, il aura exploité le mécontentement du gouverneur contre son neveu, qui blâmait son système de gouvernement. Christophe en était bien capable !

Que quelques hommes dans l’enceinte du Cap se soient montrés favorables au mouvement, aux cruautés des cultivateurs agissant contre les blancs, cela se conçoit fort bien dans cette ville, où il y avait toujours eu des agita-