Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 4.djvu/65

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seulement de l’orgueil qui les avait dictées, dans le but évident de provoquer son adversaire, par son honneur blessé et connaissant sa fierté, non-seulement à la résistance, mais à la guerre immédiate. Il ne se borna pas à cela : il fit publier cette lettre et la répandit à profusion, pour mieux porter le défi à Rigaud. Il fit encore plus : se préparant à la guerre, qu’alors il désirait sans doute, pour trouver l’occasion de s’abreuver de sang humain, pour opérer regorgement d’une foule d’individus, il ordonna de nouvelles rigueurs contre quelques-uns et la concentration de ses troupes au Port-au-Prince, pour marcher contre le Sud.

Dans ce but criminel, T. Louverture n’était-il pas alors l’agent passionné, aveugle, de la faction coloniale qui avait toujours rêvé à une telle complication entre les hommes de la race noire ; qui, à Paris, suivant le témoignage même de Roume, avait encore médité son plan de destruction des anciens libres d’abord, pour arriver ensuite aux nouveaux libres ? Ne secondait-il pas les affreux desseins des émigrés qui vinrent s’unir aux Anglais pour rétablir l’esclavage des noirs ?

Il a prétendu, dans sa correspondance avec Laveaux et Hédouville, dans son rapport justificatif adressé au Directoire exécutif, après le départ de ce dernier agent, qu’il était trop clairvoyant pour être soupçonné de se laisser influencer par qui que ce soit. S’il n’était pas réellement sous l’influence pernicieuse des colons et des émigrés, il n’en a été donc que plus coupable de servir leur cause, en provoquant la guerre civile : il en doit être responsable ; il doit du moins avoir sa part de responsabilité avec le Directoire exécutif qui désirait cette guerre, et la postérité ne peut que le blâmer.