Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/137

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Telle est, en substance, la lettre qu’il écrivit. Plusieurs auteurs lui en ont attribué une autre qui n’est nullement en rapport avec les circonstances qui se passaient alors. Il est évident qu’en tenant ce langage au Premier Consul, il pensait bien que Leclerc n’enverrait pas sa lettre sans l’avoir lue ; il voulait le porter de son côté à se prêter à un arrangement qui lui eût permis de déposer les armes sans déshonneur. Car, pouvait-il donner l’assurance de sa soumission et de son dévouement, sans être disposé à reconnaître l’autorité de Leclerc ?

Il s’agissait de trouver un intermédiaire pour lui faire parvenir cette lettre, son juste orgueil ne lui permettant pas de la lui envoyer directement. Il s’y prit avec son tact ordinaire. Sachant la conduite modérée qu’avait tenue le général Boudet depuis son arrivée, ce fut à lui qu’il s’adressa pour être cet intermédiaire. Il lui écrivit aussi une lettre qui accompagnait celle au Premier Consul. Aux Cahos se trouvaient le chef de brigade Sabès, aide de camp de Boudet, et l’officier de marine Gémont ; ces deux hommes qui avaient été envoyés en parlementaire au Port-au-Prince, furent traînés jusque-là, après avoir couru mille fois le risque d’être tués par des forcenés, malgré les ordres spéciaux de T. Louverture à leur égard : ils convenaient fort bien pour être les porteurs des deux dépêches.

T. Louverture les fit amener par devant lui à cet effet. Il se plaignit à eux de la nécessité où le capitaine-général l’avait mis de résister par les armes ; mais Sabès eut le courage de lui répondre que le tort était de son côté, pour avoir méconnu l’autorité de la France. À ces mots hardis, T. Louverture, étonné et dédaigneux, s’adressa à Gémont :

« Vous êtes un officier de marine, Monsieur ; eh bien !