Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/153

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passer dans une pièce particulière, ils eurent une conférence entre eux seuls, dans laquelle ils expliquèrent leur conduite mutuelle, avant d’admettre dans cette pièce la foule des généraux, des autres officiers et des citoyens accourus pour voir le Premier des Noirs.

« Je fis au général Leclerc ma soumission, dit T. Louverture, conformément à l’intention du Premier Consul ; je lui parlai ensuite avec toute la franchise et la cordialité d’un militaire qui aime et estime son camarade. Il me promit l’oubli du passé et la protection du gouvernement français. Il convint avec moi que nous avions tous deux nos torts. — Vous pouvez, général, me dit-il, vous retirer chez vous en toute sûreté. Mais, dites-moi si le général Dessalines obéira à mes ordres, et si je peux compter sur lui. » — Je lui répondis que oui, que le général Dessalines peut avoir des défauts comme tout homme, mais qu’il connaît la subordination militaire. Je lui observai cependant que pour le bien public et pour rétablir les cultivateurs dans leurs travaux, comme à « son arrivée dans l’île, il était nécessaire que le général Dessalines fût rappelé à son commandement à Saint-Marc, et le général Charles Bélair à l’Arcahaie : ce qu’il me promit[1]. »


T. Louverture prit congé de Leclerc et quitta le Cap à onze heures de la nuit : il fut se coucher sur l’habitation

  1. Mémoire au Premier Consul. — En entrant au Cap, il éprouva une vive indignation en voyant le colonel noir, Louis Labelinais, monté sur son beau cheval, nommé Bel-Argent. Le général Hardy le lui avait donné, pour le récompenser de sa prompte défection à Limonade, où Labelinais commandait à l’arrivée de l’armée française. Il ne fut pas moins déporté en France, d’où il revint à Haïti, en 1816 ; mais il se garda d’aller auprès de H. Christophe. Pétion l’accueillit.