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de Lacroix disant : « La soumission de Christophe entraîna celle de Dessalines, qui, à son tour, amena celle de Toussaint Louverture[1]. »

Nous croyons également inexacte la relation donnée par Boisrond Tonnerre, de la soumission personnelle de Dessalines[2]. Cet auteur national, secrétaire de Dessalines, est trop suspect de partialité pour son chef, pour qu’on doive donner créance à toutes ses assertions. Il a évidemment rabaissé le caractère de T. Louverture dans toute cette lutte de trois mois, afin de mieux faire ressortir le mérite de Dessalines ; et en cela, il a eu d’autant plus tort, que son héros, lieutenant principal de l’ex-gouverneur, n’avait pas besoin qu’on fût injuste envers un chef qu’il n’osait pas regarder en face, pour briller dans le rôle militaire qu’il a rempli dans ces circonstances. Si Dessalines s’est conduit avec courage, bravoure et intrépidité ; s’il a fait preuve d’une activité peu commune pour se multiplier et faire face aux événement, — T. Louverture n’a pas moins montré une activité prodigieuse, une grande résolution, une rare énergie, et sa sagacité habituelle pour combiner les moyens de résister plus longtemps.

On peut dire aussi qu’il est tombé de sa position suprême avec honneur et dignité, tant sous le rapport militaire que sous le rapport politique : il se le devait à lui-même et à la race noire. Sans doute, on doit regretter pour sa propre gloire, qu’il ait ordonné le massacré de tant de blancs dans divers lieux indiqués, qu’il ait immolé Vollée, son ami, avec non moins d’injustice. Mais

  1. Mémoires, etc., t. 2, p. 180.
  2. Mémoires de B, Tonnerre, édités par M. Saint-Rémy, en 1851, p. 40 à 44.