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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/170

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sa soumission ; il le manda au Cap, où il l’accueillit avec égards.

Sondant son sentiment sur la déportation, Leclerc obtint facilement une déclaration semblable à celle des autres généraux. Quoiqu’il ne se fût soumis que sur les instances de T. Louverture, Dessalines ne le redoutait pas moins que ses collègues. Ne devait-il pas redouter également la vengeance des Français, par rapport à sa résistance, aux incendies qu’il avait effectués, et surtout après avoir massacré tant de blancs à leur arrivée ? Car il ne pouvait s’imaginer qu’on n’attribuait ces assassinats qu’à T. Louverture[1].

De plus, Dessalines était le seul général de division de l’armée coloniale, le premier lieutenant de l’ex-gouverneur ; mieux que ses collègues, il était donc placé pour prétendre à l’héritage du pouvoir tombé de ses mains : son ambition a dû lui faire entrevoir la possibilité d’y arriver par le moyen de l’armée.

Ainsi, tout concourait à déterminer Dessalines à adopter l’opinion déjà émise par les autres généraux. Sa propre conservation devait le porter à souscrire à la déportation, de T. Louverture : il ne pouvait que donner à Leclerc ce gage d’une soumission, plutôt apparente que réelle, à sa volonté, à la politique du gouvernement consulaire.

On a dit que c’était trahir son ancien chef qui l’avait comblé de toutes sortes de faveurs. Non, ce ne fut pas une trahison, mais un acquiescement commandé par sa position personnelle et par la situation des choses.

Il est évident que T. Louverture s’était usé à la tâche

  1. En cet instant, Pamphile de Lacroix se trouvant au Cap, lui témoigna une invincible répugnance. (Mémoires, t, 2, p. 192). Et cependant, cet auteur attribue ces massacres à l’ordre donné par T. Louverture : (même vol., p. 182.)